C'est en travaillant sur des silencieux d'avion que la société de jean Bertin, 

BERTIN & CIE, "redécouvre"  le phénomène coussin d'air. Autorisant le déplacement sans roue, cette technologie les amènent dans la direction de l'aérotrain

   En effet, ainsi équipé, un véhicule circulant sur un sol parfaitement plat, peut se déplacer à une faible hauteur de vol. D’où l’idée d’une voie préparée assurant la sustentation et le guidage. La forme du T inversé ayant été retenue pour des questions de sécurité et de mise en œuvre, un prototype à échelle réduite fut réalisé. Long de 1,25 m pour 0,25 m de large, alimenté électriquement, il se déplaçait sur une voie surélevée d’une vingtaine de mètres de longueur. Le freinage normal sera obtenu  par inversion

du pas de l'hélice ; un freinage d'urgence, extrêmement énergique, sera fourni par des mâchoires enserrant le rail central, à la manière des mâchoires d'un frein à disque. Enfin, par arrêt de la sustentation et pose du véhicule sur des patins, un arrêt de détresse aussi efficace  que l'on

MAQUETTE

 veut pourra être obtenu : le véhicule, cessant d'être sustenté, se pose alors sur les patins disposés à cet effet sous le véhicule.

   En février 1963, les essais ont commencé. Donnant entière satisfaction, la réalisation d’un prototype pouvant emporter quelques personnes devenait indispensable. Les promoteurs du concept s’adressèrent à la Délégation à l’aménagement du Territoire. Celui-ci fut séduit par l’idée et débloqua les crédits pour la réalisation d’un véhicule, à l’échelle ½, pouvant emporter quelques passagers sur une ligne près de Gometz. Il fut enfin terminé le 16 décembre 1965, alors qu’un seul kilomètre de voie était disponible

PROTOTYPE 01 sur les 6,7 prévus. L’AEROTRAIN 01, d’une longueur de 10,11m pour un poids de 2,6 tonnes, est guidé et sustenté par l’air légèrement comprimé par deux ventilateurs entraînés par deux moteurs de 50 Ch chacun. La propulsion étant assurée par un
moteur d’avion de 260 Ch et une hélice tri-pales à pas réversible. Il peut transporter 4 passagers 

   Après avoir posé l’engin à cheval sur la voie et avoir démarré les moteurs  celui-ci se souleva, créant ainsi le coussin d’air. Pour le déplacer, une simple poussée de la main suffisait puisque l’AEROTRAIN ne touchait pas du tout la voie. Le moteur de propulsion fut mis en route et le 01 effectua un aller et retour sur un kilomètre bétonné. Il atteignit sans mal 90 km/h, vitesse élevée sur une si courte distance. Il fallut attendre mi-février pour que la voie soit terminée. Et le 21 février, la voie et le prototype 01 furent officiellement inaugurés. Il atteignit ce jour là 100 km/h devant toute la presse et les 200 km/h quelques jours plus tard, sans avoir subi de modifications.


   Dans le but de vérifier la tenue des coussins d’air à de plus hautes vitesses, le 01 fut équipé d’une fusée d’appoint conjointement au moteur d’avion, portant la puissance à 1700 Ch. Il atteindra 303 km/h le 23 décembre 1966.Et à la même époque, la Direction Générale de la SNCF lance le projet C03, nom de code du projet « possibilités ferroviaires sur infrastructures nouvelles ». La genèse du TGV commençait.

   Modifié une nouvelle fois à l'aide d'un nouveau réacteur, le 01 atteint 345 km/h en novembre 1967.Néanmoins, les résultats fulgurants du 01 firent que le Ministère du transport passa commande, le 18 décembre 1967, d’une voie d’essai de 18 km grandeur nature, pouvant être intégrée par la suite dans une ligne Paris Orléans.

 

   Les travaux débutèrent rapidement et, en décembre 1968, 10 km de voie étaient déjà posés. La ligne de Gometz, quant à elle, verra encore un record battu. Par le prototype 02. Il atteignit les 300 km/h dès les premiers essais en mai 1968 et pulvérisa le record du 01 en atteignat 422 km/h, aidé par une fusée d’appoint, le 22 janvier 1969. PROTOTYPE 02
AEROTRAIN I80
   L’AEROTRAIN I-80 destiné à la base d’Orléans, est présenté le 7 juillet 1969 au Bourget. Il est transporté quelques jours plus tard à la base d’Orléans. La mise sur voie est effectuée et il atteignit 250 km/h. C’était là la vitesse maximum qu’il pouvait atteindre avec l'équipement qu'il
possédait. En octobre 1973, il est modifié pour les très hautes vitesses, recevant un turbo-réacteur d’avion de ligne. Très vite, il atteint 400 km/h.
 

   Le record mondial de vitesse pour véhicule terrestre à coussin d’air est battu le 5 mars 1974 avec une vitesse moyenne de 417,6 km/h pour une pointe à 430 km/h, démontrant ainsi la viabilité du concept. Monsieur BERTIN conclura très tôt qu’une vitesse économiquement raisonnable ne devait pas dépasser 350 km/h à cause des problèmes de puissance à fournir.

Devant des résultats aussi fulgurants, plusieurs lignes furent envisagées dont La Défense-Cergy qui fût retenu. Le contrat fut signé le 21 juin 1974, et l’AÉROTRAIN allait pouvoir prouver ses capacités. Mais le 17 juillet, le gouvernement fit savoir qu’il ne voulait plus construire la ligne.

   Toutes ces années de recherches, d’essais, de réussites furent réduites à néant. Quelques autres tentatives de mise en service de l’AÉROTRAIN furent faites, mais l’annonce, en septembre 1975 de la mise en service du TGV sur Paris-Lyon donna le coup de grâce. Jean BERTIN, épuisé de toutes ces années de travail, disparaît le 21 décembre 1975. D’autres raisons peuvent encore être avancées pour expliquer l’abandon du projet : la crise pétrolière ou bien les difficultés de mise au point du moteur électrique linéaire imposé à l’Aérotrain

   Son œuvre, quant à elle est toujours là. Enfermés dans leurs hangars, quelquefois vandalisés, les différents modèles de « L’avion sans ailes », comme l’a surnommé Jean BERTIN, sont victimes des assauts du temps et des visiteurs irrespectueux.

   Malgré ces années de sommeil, le concept AÉROTRAIN n’a pas pris une seule ride. Les qualités mises en évidence durant les essais sont toujours d’actualité : économie, rapidité, préservation de l’environnement et confort. Mais l’ouverture de l’Europe sera peut-être l’occasion de reconnaître que Monsieur BERTIN était sur la bonne voie dès 1962, en envisageant d’équiper la Communauté Européenne d’un mode de transport vraiment nouveau.